Retrouvailles sous le ciel de pluie

La pluie tombait doucement sur la petite ville de Saint-Malo, enveloppant les vieilles pierres d’une brume légère. Les passants se pressaient sous leurs parapluies, pressés de retrouver la chaleur de leurs foyers. C’est dans ce décor propice à la mélancolie que Claire, à la recherche d’un refuge temporaire, poussa la porte d’une librairie ancienne, attirée par l’odeur familière des livres usés.

La clochette tinta doucement, signalant son arrivée. Les rayonnages de livres, chargés d’ouvrages aux couvertures de cuir, semblaient raconter des histoires qui s’étaient entassées au fil des années. Claire se sentait apaisée dans ce havre de paix, loin du tumulte de la vie quotidienne. Elle erra entre les étagères, effleurant du bout des doigts les tranches jaunies, perdue dans ses pensées.

C’est alors qu’elle le vit, assis à une table au fond de la boutique, un livre ouvert devant lui. Ses cheveux étaient plus gris, mais son visage n’avait pas tant changé. Un instant, elle hésita, figée sur place par l’étrangeté de la situation. Mais avant qu’elle ne puisse s’en dissuader, il leva les yeux et leurs regards se croisèrent.

“Claire ?” la voix d’Antoine était teintée d’incrédulité, comme s’il n’osait pas croire en la réalité de cet instant.

Elle hocha la tête, un sourire timide sur les lèvres. “Antoine. Ça fait… si longtemps.”

Les mots restèrent suspendus entre eux, lourds du poids des années passées sans nouvelles. Autrefois inséparables, ils avaient suivi des chemins différents, emportés par le courant de leurs vies respectives. Et pourtant, là, sous la lueur vacillante des lampes, c’était comme si le temps s’était replié sur lui-même, ne laissant qu’un espace fragile où leur amitié pouvait renaître.

Ils s’assirent autour de la petite table, entourés de livres témoins silencieux de leur conversation. Au début, il y eut des silences maladroits, remplis de souvenirs non partagés. Mais peu à peu, les barrières tombèrent, dénouées par les récits de leurs vies.

Antoine parla de ses voyages, des terres lointaines qu’il avait explorées, cherchant ce qu’il ne pouvait nommer. Claire évoqua ses travaux en tant qu’enseignante, ses élèves qui lui rappelaient parfois la jeunesse qu’ils avaient perdue.

Ils rirent doucement en se remémorant des incidents de leur passé, des petites aventures qui paraissaient désormais si naïves. Mais derrière leurs sourires résidait une tristesse discrète, un regret pour ce qui avait été perdu.

À un moment donné, la conversation dériva vers les sujets plus sensibles. Le départ brutal d’Antoine sans explication, la lettre que Claire n’avait jamais osé lui envoyer. Les mots étaient choisis avec soin, comme s’ils cherchaient à éviter de rouvrir des blessures anciennes. Pourtant, la franchise qui émergeait était une forme de thérapie, une catharsis nécessaire.

Antoine baissa les yeux, jouant nerveusement avec la couverture du livre. “Je suis désolé… pour tout.” Sa voix était douce, presque un murmure.

Claire le regarda, ses yeux brillants d’une compréhension nouvelle. “Je crois que j’ai compris avec le temps. Et puis, peut-être que ça devait se passer ainsi.”

Leurs regards se croisèrent à nouveau, portant en eux la promesse d’une amitié retrouvée, même si elle ne serait jamais tout à fait la même. La pluie continuait de tomber dehors, mais à l’intérieur de la librairie, le monde semblait plus lumineux.

Au moment de se séparer, ils échangèrent leurs numéros, avec la promesse de ne plus laisser le silence les séparer. Ils sortirent ensemble sous la pluie, partageant le même parapluie, leurs pas s’accordant à nouveau après tant d’années.

Et bien que le futur soit incertain, l’instant était plein d’une douce réconciliation, une acceptation tranquille du passé et un espoir timide pour l’avenir.

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