Retrouvailles au Café des Souvenirs

C’était un matin de septembre, un de ces matins où la lumière tamisée par les nuages semble hésiter entre automne et été. Camille n’avait jamais été une personne de rituels, et pourtant, elle se retrouvait au Café des Souvenirs tous les jeudis matin depuis quelques mois. Le café, situé au coin d’une rue pavée de ce quartier parisien qu’elle avait toujours aimé, avait une ambiance chaleureuse qui la réconfortait.

Ce matin-là, elle s’installa à sa table habituelle, près de la fenêtre, et commanda un café crème. Elle sortit un livre de son sac, mais quelque chose retint son attention. Par la vitre embuée, elle remarqua un homme qui semblait hésiter à entrer. Il portait un long manteau noir et avait une aura de quelqu’un qui portait le poids des années.

L’homme finit par pousser la porte et entra. Camille reprit sa lecture, mais un frisson la traversa lorsqu’elle reconnut la voix qui demanda un café au bar. Cette voix qu’elle n’avait pas entendue depuis près de vingt ans. C’était Jean.

Ils s’étaient rencontrés à l’université, deux jeunes passionnés d’histoire. Ils avaient partagé des heures intenses dans les bibliothèques, des débats sans fin sur la signification du passé, et une complicité silencieuse lors des promenades nocturnes le long de la Seine. Puis la vie les avait séparés : des carrières différentes, des amours, des départs, et surtout, un malentendu non résolu qui avait creusé un fossé entre eux.

Jean, une fois son café en main, scruta la salle. Son regard se posa sur Camille, ses yeux s’agrandirent de surprise, mais il sembla hésiter. Camille, sentant son cœur s’emballer, lui fit un léger signe de la main.

Il s’approcha lentement, comme si le sol risquait de s’effondrer sous ses pieds. “Camille,” dit-il simplement.

“Jean,” répondit-elle, avec un sourire timide.

Il s’assit en face d’elle, et pendant quelques instants, le silence s’installa entre eux, lourd de souvenirs et de mots non dits. Camille observa les rides qui ornaient maintenant le visage de Jean, témoins silencieux de tout ce temps passé. Elle se demanda si les années avaient aussi marqué son visage ainsi.

“Cela fait longtemps,” dit-il finalement, brisant le silence.

Elle acquiesça, cherchant ses mots. “Oui, trop longtemps. Je ne m’attendais pas à te revoir ici.”

“Ni moi,” répondit-il avec une légère hésitation, comme s’il craignait de réveiller les fantômes du passé.

Ils échangèrent quelques banalités, parlant de leurs vies respectives, de leurs carrières. Mais chaque phrase semblait sur le bord de quelque chose de plus profond, comme si un simple mot pouvait faire basculer la conversation vers ce qu’ils avaient évité pendant tant d’années.

Finalement, ce fut Jean qui se lança, les yeux baissés vers sa tasse. “Je suis désolé, Camille. Pour ce qui s’est passé à l’époque. J’ai été trop fier, trop stupide.”

Camille sentit une vague d’émotion monter en elle. “Moi aussi, Jean. J’aurais dû te parler, au lieu de laisser mon orgueil prendre le dessus.”

Leurs regards se croisèrent, et à cet instant, quelque chose se libéra. La barrière invisible qui les avait tenus à distance pendant tant d’années commença à s’effriter.

Ils restèrent ainsi à discuter, non pas de ce qui aurait pu être, mais de ce qu’ils avaient partagé, de ce qu’ils étaient devenus. Dans cette douceur timide, ils trouvaient une forme de réconfort.

Leurs cafés refroidis depuis longtemps, ils finirent par se lever. Jean proposa une promenade comme autrefois, et Camille accepta.

En marchant le long des quais, ils parlaient de nouveaux souvenirs à construire, des promesses de rester en contact cette fois-ci, tandis que Paris, comme témoin silencieux, continuait de vivre autour d’eux. La douleur du passé était toujours là, mais tamisée par le baume du pardon et de la compréhension.

Alors qu’ils se séparaient, Jean lui dit, “Ce n’est pas un adieu cette fois.”

Camille, émue, hocha la tête. “Non, ce n’est pas un adieu.”

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