Mes parents et moi avons toujours entretenu une relation très proche. Il était donc naturel que je m’attende à ce que mon père me soutienne financièrement grâce à l’argent tiré de la vente de son atelier de réparation de motos, qu’il avait tenu pendant près d’un demi-siècle. Depuis le décès de ma mère et sa retraite, je pensais qu’il aspirerait à une existence paisible, mais c’est tout le contraire qui s’est produit.
Avec le produit de la vente de sa boutique, mon père s’est offert une Harley flambant neuve à 35 000 $, projetant de traverser le pays « avant qu’il ne soit trop tard ».
Cette prétendue « dernière grande aventure » se traduit, en réalité, par une dépense inconsidérée de tout son argent pour son seul plaisir, pendant que je croule sous les dettes, peine à payer mes factures et tente de m’acheter un petit appartement.
Honnêtement, le voir poursuivre une sorte de crise existentielle au lieu de m’aider ou d’investir sagement me dépasse. Et chaque fois que j’essaie d’en discuter avec lui, il éclate de rire et me répond :
« À mon âge, toutes les crises sont des crises de fin de vie. »
Je ne parviens pas à comprendre comment il peut gaspiller ainsi une telle somme, alors que cet argent pourrait véritablement changer ma situation.
À cause de tout cela, j’ai dû annuler mon voyage aux Bahamas, que j’avais prévu de financer avec ce que je considère comme mon héritage légitime.
Mes amis partagent mon point de vue : selon eux, il est du devoir des parents de soutenir leurs enfants autant qu’ils le peuvent, surtout lorsqu’ils en ont les moyens.
Ce que mon père ne semble pas saisir, c’est que j’ai encore toute une vie devant moi, des projets, un avenir à bâtir. Lui, en revanche, approche de la fin du sien. S’il refuse d’agir raisonnablement, je suis prête à réclamer ce qui, à mes yeux, me revient de droit.
Il prétend que ce voyage insensé est une façon d’honorer la mémoire de ma mère, qui voulait qu’il continue à vivre pleinement après sa disparition. Mais au fond de moi, je suis convaincue que maman aurait préféré qu’il m’aide à me reconstruire plutôt que de dilapider son argent sur les routes.
Aujourd’hui, une partie de moi songe à tout abandonner : cesser de l’appeler, cesser de m’en soucier, tourner la page.
Et pourtant, une autre partie espère encore qu’il retrouvera la raison.
Je ne sais plus quelle voix écouter.
**Amour et paix.**