Depuis qu’elle a décroché le contrat du siècle, Emma n’a plus une minute à elle. Les appels incessants et les réunions qui s’enchaînent l’éloignent peu à peu de ceux qu’elle aime. Son ambition était devenue une toile qui capturait non seulement ses heures, mais aussi son intégrité.
Emma avait toujours rêvé de fonder sa propre entreprise, et après des années de dur labeur, Emma Industrie Écologique était devenue un acteur majeur sur le marché. Cependant, son succès était fragile, comme un château de cartes qui menaçait de s’effondrer si elle relâchait la pression ne serait-ce qu’un instant. Sa vie personnelle en payait le prix fort.
— Tu n’es jamais là, Emma, avait dit Julien, son compagnon, la voix trahissant une colère sourde. Tu es là physiquement, mais ton esprit est toujours ailleurs, à cette fichue entreprise.
Emma baissa les yeux sur la table entre eux, ses pensées s’entremêlant dans un chaos de culpabilité et de justification. Elle aimait Julien, mais chaque fibre de son être lui criait de ne pas faiblir, de tenir bon jusqu’au sommet.
— Je sais, Julien, murmura-t-elle enfin. Mais tu sais combien ça compte pour moi. Juste encore un peu de temps, s’il te plaît.
Les semaines passèrent, les promesses d’Emma s’étiolant comme des feuilles mortes dans le vent. Leur fils, Léon, avait cessé de l’attendre pour le coucher. Julien ne l’invitait plus aux sorties en famille. Le fossé se creusait inexorablement.
Le moment critique arriva un soir de novembre, un soir où tout devait basculer. Emma était attendue pour présenter un projet décisif auprès d’investisseurs étrangers. Elle avait travaillé nuit et jour, négligeant sommeil et famille. Mais au moment de sortir de son bureau, son téléphone sonna. C’était Julien.
— Emma… Léon est à l’hôpital. Un accident à l’école. Il demande après toi.
Son cœur se serra, le temps sembla s’arrêter. Dans sa tête, le bruit des conversations se mêla à celui des roues tournant à vide. Elle se tenait là, au carrefour de ses choix, chaque direction lui coûtant beaucoup.
— J’arrive tout de suite, lâcha-t-elle, sa voix tremblante, alors qu’elle attrapait son sac à la hâte.
Dans la salle d’hôpital, Emma trouva Léon endormi, une éraflure sur le front, et Julien assis à son chevet. Elle s’approcha, posant doucement sa main sur celle de son fils. « Je suis là, mon chéri ». Cette nuit-là, Emma comprit ce qu’elle avait failli perdre. Sa carrière pouvait attendre; sa famille, elle, ne devait plus jamais être reléguée au second plan.
Les jours et les semaines qui suivirent furent marqués par des choix difficiles. Emma décida de déléguer davantage, de trouver un équilibre qui lui permette de concilier ses rêves et ses responsabilités familiales. Ce n’était jamais simple, mais elle avait retrouvé ce qui comptait vraiment.
Elle avait arrêté la course effrénée pour le haut, et au contraire, redécouvrait la sérénité d’un foyer uni.