L’heure du thé

Dans un petit village du sud de la France, une librairie ancienne se tenait au coin d’une rue pavée, sa façade poussiéreuse mais pleine de charme. À l’intérieur, entourée de livres qui semblaient respirer l’histoire, une femme d’un certain âge parcourait les étagères. Elle s’appelait Madeleine, et chaque jeudi après-midi, elle s’accordait ce moment de tranquillité parmi les pages jaunies et les reliures usées.

Ce jeudi-là, alors qu’elle feuilletait un recueil de poèmes oubliés, la clochette de l’entrée retentit. Entré par la porte, un homme, les cheveux argentés, le manteau légèrement défraîchi. Son regard parcourut la pièce avant de s’arrêter sur Madeleine. Étonnée, elle resta immobile, son cœur bondissant à la vue de Michel, un visage qu’elle n’avait pas vu depuis près de quarante ans.

Michel et Madeleine avaient partagé une amitié intense durant leur jeunesse. Ils avaient été des confidents, des complices, traversant ensemble les années tumultueuses de l’adolescence. Puis, la vie les avait éloignés. Une dispute futile, amplifiée par l’orgueil, avait rompu le fil de leur relation. Jamais ils n’avaient cherché à se revoir, pensant que le temps effacerait ce qui avait été.

Mais en cet instant, face à face à nouveau, ce passé semblait à la fois lointain et étrangement présent. Michel s’avança doucement, un sourire timide aux lèvres.

“Madeleine,” dit-il simplement, sa voix portant la trace des années passées.

“Michel,” répondit-elle, en écho. L’échange était sincère mais empreint d’une nervosité palpable.

Ils décidèrent d’aller prendre un thé dans le petit salon voisin, un lieu qu’ils avaient souvent fréquenté auparavant. La ville avait changé, mais le salon de thé était resté le même, avec ses fauteuils dépareillés et ses tables de bois grincantes.

Assis face à face, les premières minutes furent remplies de silence, le tintement des cuillères et le murmure des autres clients filtrant dans l’air. Ils se regardaient, chacun essayant de deviner ce qui se cachait derrière les rides et le passage des années.

“Je tiens à m’excuser,” finit par dire Michel, ses yeux plongés dans sa tasse de thé. “Pour ce qui s’est passé… ou ce qui ne s’est pas passé entre nous.”

Madeleine hocha la tête lentement. “J’ai souvent pensé à cette époque,” répondit-elle, sa voix douce mais ferme. “Mais je crois que nous étions trop jeunes pour comprendre vraiment.”

Ils échangèrent des souvenirs, des rires oubliés et des larmes refoulées. Leurs mots étaient ponctués de silence, non pas vide, mais chargé de la reconnaissance de ce qui avait été et de ce qui aurait pu être.

“Tu te souviens de notre promesse?” demanda Michel, soudainement.

Madeleine sourit doucement. “Bien sûr. Que nous nous retrouverions ici chaque fois que nous en aurions besoin.”

Une promesse qu’ils n’avaient pas tenue alors, mais qui maintenant, semblait prendre toute sa signification.

L’après-midi s’étira, le thé refroidi dans les tasses, et avec lui, les années semblaient se dissoudre doucement. Il y avait encore tant de choses non dites, tant de sentiments à exhumer, mais ils savaient tous deux qu’une réconciliation était en marche. L’important n’était plus de comprendre pourquoi ils s’étaient perdus, mais de savourer le fait qu’ils s’étaient retrouvés.

Avant de se quitter, Michel proposa timidement. “Peut-être pourrions-nous refaire cela… la semaine prochaine?”

Madeleine acquiesça, un sourire apaisé aux lèvres. “Oui, je crois que cela serait bien.”

Ils se séparèrent à l’angle de la rue où tout avait commencé, avec la promesse de revenir. Leurs chemins s’étaient à nouveau croisés, et cette fois-ci, ils avaient l’intention de ne plus les laisser se séparer.

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