Depuis des années, Camille s’était efforcée de rendre Victor heureux, mettant de côté ses propres rêves et désirs. Elle jonglait entre son travail, la maison, et ses obligations envers lui, subissant souvent ses remarques acerbes et son indifférence glaciale. Pourtant, chaque jour, elle se levait avec l’espoir que quelque chose change. Jusqu’à ce que, par un dimanche matin comme les autres, elle réalisa que c’était à elle de provoquer ce changement.
Camille se tenait dans la cuisine, préparant le petit déjeuner. Victor, lisant le journal à table, ne lui accordait qu’un bref coup d’œil de temps en temps, pour lui demander du café ou faire un commentaire sur l’état de la maison. “Camille, tu pourrais au moins faire l’effort de rendre les choses bien présentables,” lançait-il sans lever les yeux.
Chaque remarque la blessait un peu plus, mais elle les absorbait, silencieuse, continuant à remuer les œufs dans la poêle. Elle étouffait sous le poids de ces attentes impossibles, noyée dans une mer de frustrations non-dites.
Un jour, alors qu’elle rangeait la chambre, Camille trouva une boîte poussiéreuse renfermant de vieux croquis et dessins d’un temps où elle avait l’espace pour s’exprimer. Les couleurs vives et les lignes libres lui rappelaient la femme qu’elle était avant. L’écho de cette ancienne passion réveilla quelque chose en elle, une voix enfouie depuis trop longtemps.
Ce soir-là, lors du dîner, Camille décida de parler. “Victor,” commença-t-elle, sa voix tremblant légèrement, “je ne peux plus continuer comme ça.”
Il leva les yeux, surpris par son ton déterminé. “Que veux-tu dire ?”
“Je veux dire que je me suis perdue en essayant de répondre à tes attentes. J’ai mis de côté tous mes rêves pour en faire les tiens, et je ne peux plus vivre ainsi,” répondit-elle, ses yeux brûlant d’une nouvelle résolution.
Victor resta silencieux un instant, déconcerté par cette confrontation inattendue. “Camille, je ne savais pas que tu te sentais comme ça.” Son ton était adouci, mais elle percevait une teinte d’incrédulité.
“Je t’ai donné tout ce que j’avais, mais maintenant, j’ai besoin de me retrouver,” dit-elle, ressentant une libération en prononçant ces mots.
Victor baissa les yeux, réfléchissant. “Peut-être que nous pourrions… essayer de changer les choses,” proposa-t-il finalement.
Camille hocha la tête, son cœur battant à tout rompre. “Seulement si c’est ensemble, sur un pied d’égalité.”
Ils passèrent le reste de la soirée à discuter de ce que chacun attendait vraiment de l’autre, et surtout, de la place que Camille devait enfin avoir. Bien que le chemin à parcourir reste long et incertain, Camille ressentit pour la première fois depuis longtemps une lueur d’espoir.
Leur mariage ne serait plus jamais le même, mais elle savait que, peu importe la direction qu’ils prendraient, elle ne serait plus réduite au silence.