Les Silences Entre Les Mots

L’air était chargé de promesses de pluie, et une brise légère faisait danser les feuilles jaunes sur les trottoirs de la vieille ville. Camille avait choisi de passer son après-midi libre à flâner dans le quartier où elle avait grandi, un lieu devenu à la fois étranger et familier au fil des années. Elle s’arrêtait parfois pour observer les vitrines des magasins, savourant leur patine d’autrefois.

Elle ne s’attendait pas à le voir là, sur la place pavée en face de l’église. Adrien, avec sa silhouette toujours aussi élancée, examinait le panneau d’affichage obsolète où des associations locales affichaient toujours leurs annonces. Camille hésita un instant, le regardant de loin, des souvenirs affluant sans prévenir.

Ils avaient été des amis inséparables au lycée, partageant un amour pour la littérature et les discussions passionnées sur l’avenir. Mais la vie les avait séparés sans crier gare, laissant place à des décennies de silence.

Prenant une profonde inspiration, elle s’approcha. “Adrien?”

Il se retourna, un mélange de surprise et de reconnaissance illuminant son visage. “Camille! C’est bien toi?”

Un sourire nerveux se dessina sur ses lèvres tandis que la nostalgie effaçait l’étrangeté de leur rencontre. Ils se mirent à marcher, comme s’ils n’avaient jamais cessé de le faire, leurs pas résonnant en harmonie sur le pavé.

Leurs conversations revinrent d’abord sur les événements récents, mais l’implicite était évident, comme un fil tendu les reliant à un passé commun. Lentement, ils évoquèrent les années intermédiaires, les regrets, les moments manqués.

Il y eut un moment de silence, chargé de tout ce qui était resté non dit. Camille s’arrêta près d’un banc où ils avaient autrefois passé des après-midi à rêver tout haut. “Je me demande toujours comment on a pu se perdre de vue, Adrien.”

Il hésita, fixant le sol comme s’il y cherchait la réponse. “Je crois qu’on a laissé la vie décider pour nous. Et je suis désolé pour ça.”

Il y avait de la tristesse dans ses yeux, mais aussi de la paix. Camille sentit sa propre peine fondre doucement, remplacée par une chaleur inattendue. “Je suppose qu’on ne peut que tourner la page, non?”

Adrien acquiesça, et un sourire se forma lentement sur son visage. “Oui, mais on peut écrire de nouvelles pages ensemble.” Les mots étaient simples mais portaient en eux une promesse, celle de ne plus laisser les silences dominer.

Ils continuèrent leur marche, plus légers, en parlant de tout et de rien, de projets futurs, de livres aimés. La pluie commença à tomber, fine et douce, et ils trouvèrent refuge sous un auvent, riant de cet abri improvisé.

Le temps ne pouvait effacer les années perdues, mais il avait offert à Camille et Adrien un moment de renaissance, une chance de nouer à nouveau le fil de leur amitié.

Et tandis que le soir tombait, ils comprirent que la vie, si elle avait bien pris son chemin, leur avait aussi offert la possibilité de se retrouver, plus sages et prêts à accueillir le présent avec bienveillance.

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