Dans la ville d’Angers, le vent automnal faisait danser les feuilles mortes sur le pavé, créant une mélodie douce et mélancolique. Camille, une femme dans la soixantaine, marchait dans la rue animée de souvenirs qu’elle n’avait pas réveillés depuis des décennies. Elle portait un manteau beige et une écharpe en laine qu’elle avait tricotée elle-même, se remémorant les après-midis passés avec sa mère, une tasse de thé à la main.
Un bruit familièrement étranger l’attira vers une petite librairie d’angle, là où elle avait passé tant de week-ends à discuter de livres avec Philippe, un ami de lycée avec qui elle partageait une connexion spéciale. Ils avaient été inséparables, liés par une passion pour les mots et les histoires, mais la vie les avait séparés. Philippe avait poursuivi des études à l’étranger, et leurs chemins s’étaient écartés, sans grand fracas mais avec une lenteur cruelle.
Elle entra dans la librairie, le cœur un peu lourd de nostalgie. Le magasin sentait le papier vieilli et le café fraîchement moulu. Elle balayait les étagères avec ses yeux, quand elle entendit une voix douce, familière malgré les années : “Camille ?”
Son cœur rata un battement. Elle se tourna et vit Philippe, ses cheveux grisonnants, mais avec le même sourire espiègle qu’elle se souvenait. Il tenait un livre de son auteur préféré, comme si le temps ne s’était jamais écoulé.
Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant, le monde sembla se figer autour d’eux. Il y avait une chaleur dans ses yeux, mêlée à une pointe d’hésitation. Camille s’efforça de sourire, sentant à la fois la joie et la crainte la traverser.
“C’est vraiment toi,” murmura-t-elle, tentant de contrôler le tremblement de sa voix.
Philippe hocha la tête, son expression un mélange de surprise et de réticence. “Je ne pensais pas te revoir ici.”
Ils se tenaient là, entourés de livres qui murmuraient silencieusement des souvenirs partagés, nouant leurs voix dans une danse hésitante. Peu à peu, les mots vinrent, maladroits mais sincères, évoquant les années passées, les chemins empruntés et les regrets silencieux qui les avaient accompagnés.
Ils décidèrent de s’asseoir dans le café attenant à la librairie, réchauffant leurs mains autour de tasses de thé brûlant. Il y eut des silences, lourds de ce qui n’avait pas été dit pendant toutes ces années, mais aussi légers, porteurs de la promesse d’un avenir réconcilié.
Camille parla de ses enfants, de sa vie à Angers, de ses joies et de ses peines. Philippe écouta, ses yeux brillants d’une tendresse qui n’avait pas besoin de mots. Il raconta à son tour ses voyages, ses découvertes et sa solitude parfois ressentie.
Leurs rires commencèrent à rompre la glace, chaque sourire un pas de plus vers la réconciliation. Ils se remémorèrent les après-midis passés à discuter de poésie, des rêves qu’ils avaient partagés sous l’arbre du parc près de leur lycée, des espoirs naïfs et des promesses murmurées.
Quand vint le moment de se séparer, un silence doux les enveloppa. La lumière dorée du soir teintait la librairie d’une lueur chaleureuse. Philippe prit une pause, cherchant les mots justes.
“Nous avons perdu du temps,” dit-il doucement, une tristesse mesurée dans sa voix.
Camille acquiesça, le regard tourné vers leur passé commun. “Mais nous avons encore de l’avenir,” répondit-elle, une détermination nouvelle illuminant ses yeux.
Ils se quittèrent avec une étreinte, non pas de ceux qui se disent adieu, mais de ceux qui se saluent à nouveau. En sortant de la librairie, Camille sentit une légèreté qu’elle n’avait pas ressentie depuis longtemps.
Peut-être que le passé était fait d’échos, mais à travers leurs retrouvailles, ils avaient créé une nouvelle mélodie, plus douce, plus sage, résonnant dans la promesse d’un nouveau chapitre.