Les échos du passé

Une bruine légère s’abattait sur les rues pavées de Bordeaux, imprimant une lueur tremblotante aux éclairages publics. Claire, frissonnant un peu malgré son manteau, remonta le col de son écharpe. Elle était en ville pour une conférence littéraire et avait décidé de faire une promenade, comme pour capturer les murmures d’un passé qui lui échappait. C’est alors qu’elle s’arrêta devant une petite librairie nichée entre deux cafés.

La devanture de la librairie semblait l’appeler, son bois usé racontant des années de lectures partagées et de secrets chuchotés. Elle poussa la porte qui tinta doucement, et fut enveloppée par l’odeur familière des livres anciens. Tandis qu’elle parcourait les rayons, quelque chose — ou plutôt quelqu’un — attira son regard. Là, debout près de la section poésie, se tenait une silhouette qu’elle aurait reconnue entre mille.

« Pierre ? »

L’homme se retourna lentement, une expression de surprise sur le visage. Ses yeux étaient les mêmes, bien que marqués par le temps et les expériences. « Claire… » Sa voix était à la fois étrangère et étrangement familière.

Leurs regards se croisèrent, et une myriade d’émotions flotta silencieusement entre eux : des souvenirs d’une jeunesse partagée, des instants fugaces de complicité, et puis, ce silence qui s’était installé entre eux depuis tant d’années. Pierre baissa légèrement les yeux, gêné.

« Ça fait longtemps, » murmura Claire, brisant le silence.

« Oui… peut-être trop longtemps, » répondit Pierre, sa voix s’éteignant presque à la fin de sa phrase.

Ils s’assirent dans un coin de la librairie, là où les fauteuils usés invitaient à la réflexion et aux récits. Leurs mots étaient d’abord hésitants, tâtonnant comme des voyageurs sur un chemin ancien mais oublié. Ils parlèrent des années écoulées, des chemins empruntés, des rêves réalisés et de ceux abandonnés en cours de route. Claire s’aperçut que le temps avait creusé des sillons sur leurs visages, mais avait aussi adouci leurs cœurs.

« Tu te souviens de cet été à Saint-Malo ? » demanda Pierre, un demi-sourire accroché à ses lèvres.

« Comment pourrais-je oublier ? » répondit Claire, un éclat de rire dans la voix. « Ces nuits où nous refaisions le monde sur la plage… »

Le rire réchauffait l’air autour d’eux, dissipant la froideur initiale. Pourtant, derrière chaque rire se cachait une question non posée, une douleur non partagée. Pierre se demanda s’il devait évoquer ce qui les avait séparés, mais le moment lui sembla encore trop fragile.

Le temps s’écoula, chaque minute se déroulant avec la promesse d’un lien retrouvé. Lorsque la nuit approcha, ils se levèrent, hésitants à se dire au revoir, incertains de ce que l’avenir leur réservait.

« Nous devrions nous revoir, » proposa Claire, sa voix portante l’écho des chances à saisir.

Pierre acquiesça, un sourire sincère adoucissant ses traits. « Oui, j’aimerais ça. »

Alors qu’ils rejoignaient la rue, le ciel avait cessé de pleurer et une lueur douce se répandait à l’horizon. Ils se quittèrent avec la promesse d’un nouveau départ, les souvenirs d’autrefois éclairant leur chemin. En marchant dans des directions opposées, ils portaient chacun une part renouvelée d’espoir et de tendresse.

Un simple regard échangé avait suffi à réouvrir un chapitre, non pas celui de regrets, mais de réconciliation et de compréhension silencieuse. L’avenir restait incertain, mais l’instant était précieux.

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