Lucie n’avait jamais eu de raison de douter de Marc. Depuis cinq ans, ils avaient partagé une vie douce, faite de rires et de confidences échangées tard dans la nuit. Pourtant, récemment, quelque chose avait changé. Au début, ce n’était que de petits détails qu’elle balayait d’un revers de main. Une réunion au travail qui s’éternisait, un appel téléphonique pris à voix basse, des regards fuyants lorsque ses questions devenaient trop précises. Mais, petit à petit, ces détails anodins se transformèrent en un sentiment d’inconfort, une sorte de malaise diffus qui s’installait insidieusement.
Un vendredi soir, après une semaine particulièrement chargée, Lucie proposa à Marc de sortir dîner. Il accepta, mais elle perçut une hésitation, une sorte de tension sous-jacente à son oui. Au restaurant, alors qu’elle lui racontait une anecdote de sa journée, elle le vit décrocher. Son regard semblait traverser les murs, et il ne répondit que par un sourire distrait. Quand elle le confronta, il haussa les épaules : « Juste fatigué, désolé. »
Mais cette fatigue semblait avoir une couleur étrange, comme un nuage sur le point de pleuvoir. Le lendemain, Lucie remarqua que Marc était à nouveau absorbé par son téléphone. Il riait, les yeux rivés sur l’écran. Quand elle lui demanda ce qui était si drôle, son air devint sérieux. « Oh, rien, juste un mème sur un groupe de collègues. » Mais il ne partagea pas, comme il le faisait d’habitude.
Les jours passaient, et l’inquiétude de Lucie croissait. Elle se souvenait de la dernière fois où Marc lui avait parlé de son projet au travail, un projet dont il semblait maintenant éviter de discuter. Alors qu’elle le questionnait, il mentionna des détails qui ne collaient pas avec ce qu’il avait dit auparavant. Ces incohérences, bien que subtiles, firent germer le doute dans son esprit.
Un dimanche matin, alors que Marc était sous la douche, son téléphone vibra sur la table de nuit. Lucie n’avait jamais eu l’habitude de fouiller dans ses affaires, mais ce matin-là, une impulsion qu’elle ne comprenait pas elle-même la poussa à jeter un coup d’œil. Un message sans équivoque s’affichait : « Hâte de te revoir. Hier était incroyable. »
Le choc la fit reculer et elle s’assit lourdement sur le lit. L’angoisse se mêlait à la trahison dans un flot étourdissant. Qui était cette personne ? Que se passait-il ? Elle se sentit submergée par un sentiment d’échec et d’impuissance.
Lorsqu’il sortit de la salle de bains, Marc la trouva assise, le téléphone à la main, le visage livide. Il s’arrêta net, comprenant immédiatement qu’elle savait. Le silence s’abattit dans la chambre, pesant, interminable.
« Lucie, ce n’est pas ce que tu crois, » dit-il enfin, la voix rauque. Il s’assit à côté d’elle, mais elle se leva, put-elle supporter de l’écouter encore ? « Explique-moi alors, » répondit-elle, la voix vacillante.
Il raconta, un récit entrecoupé de silences pesants, de regards perdus. Ce n’était pas une liaison amoureuse, mais une vie secrète qu’il avait commencé à mener, un besoin de s’échapper vers autre chose, d’être quelqu’un d’autre, partagé avec une personne rencontrée en ligne, qui ne connaissait rien de lui, rien de Lucie. Il lui parlait de cette connexion virtuelle comme d’une échappatoire, un moyen de refaire surface quand la vraie vie devenait trop étouffante.
« Je ne voulais pas te faire de mal, » s’excusa-t-il, les yeux embués de larmes. Mais le mal était fait et Lucie restait là, pétrie de douleur et d’incompréhension.
Leur conversation dura des heures, les amenant à réaliser combien ils s’étaient perdus de vue depuis quelque temps. Marc promit de couper ce lien, de revenir vers elle, mais Lucie savait qu’un fossé s’était creusé.
Les semaines qui suivirent furent des montagnes russes d’émotions. Il fallut du temps à Lucie pour accepter les événements, pour envisager la possibilité d’un avenir commun. Elle réalisa que même les relations les plus solides n’étaient jamais à l’abri du doute, que la vérité pouvait être bien plus complexe qu’une simple trahison.
Peut-être que l’amour pouvait survivre, mais elle savait que désormais, il faudrait reconstruire, pas seulement à deux, mais chacun face à soi-même.