Elle ne pensait jamais revoir son frère, jusqu’à ce qu’un appel surgisse un après-midi ordinaire. Alors qu’elle se tenait dans sa cuisine, le téléphone sonna. C’était une voix qu’elle n’avait pas entendue depuis des décennies, son timbre légèrement changé mais reconnaissable. “C’est moi…” dit-il avec hésitation. Jeanne sentit son cœur se serrer, les souvenirs refoulés resurgissant à la surface.
Leur dernière rencontre remontait à vingt ans, un jour d’été où une dispute, dont elle ne se souvenait que vaguement le contenu, avait marqué le début du long silence. Elle se rappelait juste la colère et l’incompréhension, des mots qu’elle regrettait peut-être, et le claquement de la porte derrière lui.
Aujourd’hui, en l’écoutant, elle ressentait un mélange d’émotions — colère, douleur, mais aussi une étrange curiosité. Pourquoi maintenant?
Le rendez-vous fut fixé pour le lendemain dans un café du centre-ville, un lieu neutre et sans souvenirs communs. Jeanne arrivait en avance, son esprit encombré de pensées contradictoires. Elle s’assit et chercha des signes de familiarité dans les visages autour d’elle.
Quand Éric entra, son regard chercha immédiatement le sien. Ils échangèrent un sourire maladroit, et il s’approcha lentement, comme appréhendant sa réaction.
“Jeanne,” commença-t-il, s’asseyant avec précaution. “Merci d’être venue.”
Elle acquiesça, serrant son gobelet de café sans savoir quoi dire. “Pourquoi maintenant?” demanda-t-elle enfin, sa voix légèrement brisée.
Éric prit une profonde inspiration. “Je suppose que… j’ai beaucoup réfléchi. J’ai compris que la vie est trop courte pour laisser les blessures du passé nous séparer. Je voulais savoir si nous pouvions… essayer de reconstruire quelque chose.”
Jeanne le regarda, cherchant dans ses yeux des indices de sincérité. “Tu sais combien ça a été difficile?” murmura-t-elle, les larmes menaçant de couler.
“Oui,” répondit-il doucement, “et je suis désolé. Si je pouvais revenir en arrière…”
Elle écouta ses excuses, ressentant à la fois de la réticence et un léger soulagement. Ils parlèrent longtemps, mêlant souvenirs douloureux et doux moments d’enfance, reconstruisant lentement une trame de possibles entre les lacunes laissées par les années.
Au fur et à mesure de leur conversation, Jeanne réalisa que pardonner ne signifiait pas tout oublier. Mais elle voyait aussi une opportunité pour une nouvelle histoire, même si elle devait être écrite avec prudence.
Finalement, quand ils quittèrent le café, ils échangèrent une étreinte hésitante. “On se revoit bientôt?” proposa Éric avec un espoir prudent.
Jeanne sourit faiblement. “Oui, je pense que nous pouvons essayer.”
Ils se séparèrent avec la promesse d’un début, ni totalement réconciliés ni définitivement séparés, mais ouverts à la possibilité d’un futur ensemble.