Elle ne pensait jamais revoir son père, jusqu’à cet après-midi ordinaire où elle a entendu un coup à la porte. Anaïs vivait avec une douleur sourde depuis vingt ans, une blessure laissée par un départ sans explications. Elle avait construit sa vie autour du manque, en apprenant à avancer sans réponses. Pourtant, en voyant cet homme vieilli mais reconnaissable, tout s’est figé autour d’elle. C’était lui, son père.
« Anaïs, je… je suis désolé, » balbutia-t-il, ses yeux tristes cherchant les siens. L’émotion était palpable, une tension oscillant entre l’envie de fuir et celle de comprendre. Anaïs resta silencieuse quelques secondes, les souvenirs d’un passé douloureux se bousculant dans son esprit.
Elle se souvint des jours où elle l’attendait en vain, espérant qu’il reviendrait peut-être pour Noël ou son anniversaire. Chaque absence était un coup de plus sur son cœur d’enfant. « Pourquoi maintenant ? Pourquoi après tout ce temps ? » murmura-t-elle, la voix tremblante.
Il hésita, baissant le regard. « Je n’ai pas d’excuse qui suffirait, je le sais. J’étais jeune et stupide, et j’ai cru qu’en partant, je pourrais oublier mes problèmes. Mais je n’ai jamais pu t’oublier… chaque jour loin de toi était un poids de plus. »
Le silence retomba, seulement entrecoupé par le chant lointain des oiseaux. Anaïs se mordait la lèvre pour ne pas laisser libre cours à une colère enfouie depuis trop longtemps. Elle avait besoin de cette confrontation, mais elle n’était pas sûre de vouloir pardonner.
« Tu sais combien ça a été dur, papa ? » Son ton se durcit, les larmes perlant à ses yeux. « Je me suis battue pour chaque moment de bonheur malgré ton absence. »
Il hocha la tête, accablé, ses épaules s’affaissant sous le poids de ses regrets. « Je veux me racheter, si tu me laisses une chance. Je… je ne veux pas te perdre à nouveau. »
Le choix s’imposait à elle, pesant : ouvrir la porte à l’espoir de renouer, ou la fermer définitivement pour se protéger. Anaïs observa son père, notant les rides qui n’étaient pas là, vingt ans plus tôt. Elle prit une profonde inspiration, consciente que sa décision allait tracer la suite de leur histoire.
« Je ne te promets pas que ça sera facile, » dit-elle finalement, une lueur d’espoir dans la voix. « Mais je veux essayer. »
Ils se tenaient là, hésitants mais décidés, laissant entrevoir un futur incertain mais partagé. Alors qu’il tendait la main, Anaïs l’accepta, marquant ainsi le début d’un long chemin vers le pardon.