Elle ne pensait jamais revoir sa sœur, jusqu’à ce que, par un après-midi ordinaire, une lettre arrive sur la table du salon. Pauline, en sirotant son thé, fut presque surprise par l’élan d’espoir qui accompagnait la reconnaissance de l’écriture familière sur l’enveloppe. Il y avait vingt ans que Charlotte était partie, laissant derrière elle un vide que Pauline avait tenté de combler sans succès.
Le parfum du thé se mêlait à celui des souvenirs alors que Pauline décachetait délicatement l’enveloppe. La lettre était courte, simplement une demande de rencontre, un café, dans leur vieux quartier. Les émotions de Pauline vacillaient entre colère et un désir enfoui de renouer. Avec la lettre en main, elle se revoyait enfant, Charlotte riant aux éclats, partageant des secrets sous l’arbre du jardin. Mais d’autres souvenirs plus sombres lui revenaient, des disputes, des mots douloureux échangés lors de cette nuit où Charlotte avait claqué la porte.
Le jour de la rencontre, le cœur de Pauline battait à un rythme effréné. Assise à une table en terrasse, elle s’efforçait de donner une allure détachée à son attente. Quand Charlotte apparut, Pauline fut frappée par combien peu elle avait changé. Leur regard se croisa et le temps sembla suspendre son vol. Charlotte s’approcha, hésitante, puis s’assit. « Bonjour Pauline, » dit-elle doucement, sa voix tremblante mais emplie d’une chaleur que Pauline n’avait pas entendue depuis des années.
Le silence entre les deux femmes était lourd, chaque mot pesé avec soin. « Alors, pourquoi maintenant ? » demanda Pauline, la voix teintée d’une pointe de rancune non dissimulée.
Charlotte baissa les yeux avant de répondre. « Je… je suis désolée, Pauline. J’ai eu besoin de temps. Pour comprendre, pour guérir. J’ai réalisé que je ne pouvais pas continuer sans toi dans ma vie. »
Pauline sentit une vague d’émotions la submerger. « Tu m’as laissée seule, » murmura-t-elle, sa colère mêlée à la tristesse. « Tu étais partie sans un mot… »
Charlotte hocha la tête, des larmes perlant à ses cils. « Je sais. Et je regrette chaque jour. Mais je suis là maintenant… si tu veux bien de moi. »
Les deux sœurs restèrent silencieuses un moment, chacune absorbée par ses propres souvenirs et espoirs. Pauline se remémora la fois où elle avait attendu un appel, une lettre, n’importe quoi pour combler le silence de Charlotte. Elle inspira profondément.
« Écoute… je ne sais pas si je peux oublier, mais peut-être qu’on peut tout recommencer, lentement. Je veux bien essayer, » dit Pauline, avec un mélange de détermination et de vulnérabilité.
Charlotte sourit timidement et tendit la main. Pauline hésita avant de la saisir, une promesse tacite d’un nouveau départ. Tandis qu’elles se levaient pour marcher ensemble, une douceur retrouvée réchauffait l’air froid du matin.
La route serait longue, le pardon ne serait pas immédiat. Mais c’était un début, une étape vers la réconciliation.