Elle ne pensait jamais revoir son frère. Pourtant, un après-midi ordinaire, en rentrant du travail, elle trouva une lettre sur son paillasson. L’écriture familière l’a glacée sur place. Emilie s’était promis de ne plus penser à Paul, son frère disparu depuis vingt ans. Mais le passé avait une étrange manière de ressurgir quand on s’y attendait le moins.
La lettre était simple, presque crue : « Je suis de retour. Puis-je te voir ? Paul. » Elle resta là, la lettre à la main, le cœur battant la chamade. Les souvenirs affluèrent : leur enfance heureuse, leur complicité, puis ce jour où Paul avait décidé de tout quitter sans un mot d’explication.
Le lendemain, ils se retrouvèrent dans un petit café, un lieu choisi à dessein pour sa neutralité. Emilie avait tant de questions en tête, mais les mots restaient coincés dans sa gorge. Paul paraissait à la fois plus vieux et plus jeune, une étrangeté qui la fit sourire nerveusement.
« Salut, Emilie. »
« Salut, Paul. »
Le silence s’installa, lourd de vingt années d’absence. « Pourquoi es-tu parti ? » demanda-t-elle enfin, sa voix tremblante.
Paul baissa les yeux. « Je croyais que je n’étais pas fait pour cette vie. J’ai eu tort. »
Le ressentiment d’Emilie remontait à la surface, comme un poison doux-amer. « Maman t’a attendu jusqu’à la fin, tu sais. Elle te cherchait dans chaque homme qu’elle croisait dans la rue. »
Paul déglutit avec difficulté, l’ombre de la culpabilité flottant sur son visage. « Je sais, et c’est ce qui me ronge depuis tout ce temps. J’étais jeune et stupide. Je ne cherchais qu’à m’échapper sans penser aux conséquences. »
« Et maintenant ? » demanda Emilie, déterminée à ne pas céder facilement.
« Je veux essayer de reconstruire ce qui peut l’être. Avec toi, si tu me le permets. »
Un silence plus doux s’installa alors entre eux, rempli de douleur mais aussi d’une lueur d’espoir. Emilie se rendit compte qu’elle ne pouvait pas effacer le passé, mais elle pouvait peut-être apprendre à vivre avec.
Elle prit une profonde inspiration. « Je ne sais pas, Paul. Je vais avoir besoin de temps. Peut-être qu’on pourrait commencer par se revoir de temps en temps ? »
Les yeux de Paul s’éclairèrent. « Je prendrai ce que tu es prête à m’offrir. »
En sortant du café, Emilie sentit un poids se lever légèrement de ses épaules. Rien n’était résolu, mais au moins, ils avaient pris le premier pas vers quelque chose de nouveau, un pont fragile entre leur passé et leur avenir.
Elle espérait que le temps pourrait adoucir les blessures et qu’un jour, un véritable pardon serait possible. Pour l’instant, c’était un pas dans la bonne direction.