Tout a commencé avec un anniversaire d’enfant qu’elle a transformé en récital d’opéra. Les décorations colorées et les ballons plutôt que sa musique préférée avaient disparu, remplacés par des arrangements floraux à ses goûts et des invitations envoyées uniquement à ses amis. Nous aurions dû le voir venir, mais c’était seulement un avant-goût des crocs dominateurs de belle-maman, Lucie.
Je suis Marie, mariée à Pierre, et depuis que j’ai épousé son fils, Lucie a pris l’habitude de redessiner notre vie à sa convenance. Chaque dimanche, elle débarquait chez nous avec des sacs de courses remplies d’aliments qu’elle jugeait plus sains et appropriés pour notre famille. Sa dernière imposition ? Annuler nos vacances tant attendues en Italie pour une retraite spirituelle dans les Alpes françaises.
« Vous savez, la tranquillité des montagnes vous fera bien plus de bien que cette chaleur et cette foule », avait-elle déclaré avec un sourire insistant, son regard perçant ne laissant aucune place à la contestation. Pierre, fidèlement respectueux et un peu intimidé, hochait la tête en silence.
J’en avais assez. Mes poings serrés sous la table étaient le seul indice de ma colère. Chaque sourire forcé était un pas de plus vers la révolte qui grondait en moi. La veille de la retraite, alors que Lucie pénétrait chez nous, elle annonça qu’elle avait réservé un chalet pour nous, et qu’elle viendrait “superviser” notre séjour.
C’était la goutte d’eau. Nous nous retrouvâmes, Pierre et moi, dans le salon, la tension palpable. « Nous n’irons pas », ai-je déclaré, la voix tremblante mais déterminée. Pierre me regarda, surpris, mais il vit sans doute la détermination dans mes yeux. Je continuai : « C’est notre vie, Pierre. Nos décisions. »
Il hésita avant de hocher la tête. Le lendemain matin, Lucie débarqua, ses valises prêtes pour le départ. Quand elle comprit notre défection, ses yeux s’enflèrent de déception et de colère. « Vous n’êtes pas sérieux ? » fulmina-t-elle, ses joues rougies par l’indignation. « Pierre, dis-lui ! »
Pierre, prenant une inspiration profonde, répondit : « Maman, c’est fini. Nous avons notre propre vie à mener, et nous allons en Italie. »
La confrontation fut un choc pour Lucie, mais aussi pour nous. On la regarda partir, furieuse, mais un poids s’était envolé de nos épaules. Nous avions enfin pris notre liberté.
Cette détermination reconstruisit notre couple. Nous avons compris que le chemin vers l’indépendance était parsemé de confrontations nécessaires, mais salutaires. Et tandis que nous embarquions pour l’Italie, nous savions que notre vie était entre nos mains désormais, à notre image.