Elle ne pensait plus jamais le revoir. Pourtant, en cette après-midi banale, tandis qu’elle arrosait les plantes sur son balcon, une voiture familière s’arrêta devant chez elle. Le cœur de Marie manqua un battement. C’était son frère, Thomas, qu’elle n’avait pas vu depuis vingt ans. Vingt longues années de silence, de questions sans réponse, de douleur enfouie.
Leurs retrouvailles auraient pu n’être qu’un rêve, mais l’homme qui descendit de la voiture était bien réel. Les cheveux grisonnants, une silhouette un peu voûtée par les années, mais le même regard intense, celui qui lui avait tant manqué.
— Marie, dit-il simplement, sa voix émue. Je suis désolé.
Elle resta immobile, la main tremblante, toujours agrippée à l’arrosoir. Les souvenirs affluèrent, comme une vague qui menace de tout emporter. Les disputes, les cris, le jour où il avait claqué la porte sans un regard en arrière. Pourtant, elle était maintenant face à lui, et les mots lui manquaient.
— Pourquoi maintenant ? demanda-t-elle enfin, l’amertume perçant dans sa voix.
Thomas baissa les yeux, comme s’il cherchait les réponses sur le sol. — J’ai beaucoup réfléchi, dit-il. J’ai compris que le temps ne revient pas en arrière, mais je ne veux plus vivre avec ces regrets. Je te demande pardon, Marie.
Un silence lourd s’installa entre eux, déchiré uniquement par le bruissement des feuilles dans le vent. Marie se souvenait de leur enfance, des rires partagés, de la complicité brisée par les choix et les erreurs. Elle avait toujours rêvé de ce moment, mais maintenant qu’il était là, elle était perdue entre le désir de lui pardonner et la peur de souffrir à nouveau.
— Je ne sais pas, avoua-t-elle, les larmes menaçant de couler. C’est beaucoup à digérer, tu comprends ? Tu m’as laissée, tu m’as abandonnée.
Thomas posa doucement sa main sur le rebord du balcon, comme s’il hésitait à franchir cette barrière invisible entre eux. — Je sais que je t’ai blessée, et si je pouvais revenir en arrière, je ferais tout autrement. J’aimerais juste qu’on essaie de se reconstruire.
Leurs regards se croisèrent, et dans celui de Marie, il y avait autant de colère que de douceur. Elle savait que le pardon n’était pas un acte facile, qu’il demandait du temps et de la volonté. Mais en cet instant, elle ressentait le besoin de ne plus porter le poids du passé seule.
— Nous pouvons essayer, murmura-t-elle dans un souffle. Mais cela prendra du temps.
Thomas hocha la tête, un sourire timide éclairant son visage. C’était un pas, un frêle pont entre leurs deux cœurs séparés. Ensemble, ils se tenaient là, dans ce moment suspendu, prêt à faire face au chemin difficile de la réconciliation.
Il n’y eut pas d’embrassade immédiate, pas de promesse sur lesquelles ils ne pouvaient pas encore se reposer. Mais l’accord tacite était là : une possibilité de renouer, de redécouvrir ce qui unissait leurs histoires et leurs âmes.
Marie jeta un dernier regard à ses plantes, symboles de sa résilience, et se tourna vers son frère, prête à affronter le futur, avec précaution mais aussi avec espoir.