Elle ne pensait jamais revoir son père, jusqu’à cet après-midi ordinaire où tout bascula en un instant. Camille vivait avec une douleur qu’elle avait soigneusement enfouie au fil des années. Depuis cette nuit fatidique où son père avait claqué la porte, elle avait appris à vivre sans lui. Mais soudain, en rentrant chez elle, elle le trouva assis sur le perron, nervosité visible dans ses mains tremblantes.
« Camille », murmura-t-il, sa voix brisée par l’émotion.
Elle resta figée, son sac à provisions glissant de sa main. Le regard du vieil homme cherchait désespérément un signe, un mot, une porte ouverte. Elle se contenta de le fixer, les souvenirs de ce jour funeste déferlant comme une vague. Cette dispute atroce, ses accusations acerbes, et puis le vide laissé par son départ.
« Pourquoi es-tu revenu ? » demanda-t-elle enfin, la question perçant le silence lourd qui s’était installé.
« Je suis désolé, » répondit-il, sa voix chargée de regret. « Je voulais… je devais te voir, te parler. »
Les mots étaient difficiles à avaler pour Camille. Elle avait construit une vie sans lui, une indépendance forgée dans la douleur et le manque. Et pourtant, en le voyant là, fragile et sincère, quelque chose en elle hésitait à le repousser.
Au fil des heures, les échanges restèrent tendus, chaque phrase imprégnée des relents du passé. Son père s’excusa encore et encore, lui expliquant ses erreurs, ses peurs qui l’avaient poussé à fuir. Elle l’écouta, les bras croisés, partagée entre l’envie de le croire et la peur de rouvrir une plaie qui n’avait jamais vraiment cicatrisé.
« Je comprends si tu ne veux pas de moi dans ta vie », dit-il enfin, la voix tremblante. « Mais je voudrais au moins que tu saches que je suis désolé. »
Camille soupira profondément, son cœur lourd. Elle se souvenait de sa jeunesse, des moments heureux avant la séparation. Le pardon semblait une montagne infranchissable, mais sa colère s’était adoucie, remplacée par une fatigue ancrée dans l’âme.
« Peut-être… peut-être qu’on pourrait essayer d’apprendre à se connaître à nouveau », dit-elle, choisissant ses mots avec soin. « Mais ça prendra du temps. »
Son père hocha la tête, reconnaissant. « Je suis prêt à faire ce qu’il faut. Merci, Camille. »
Elle s’approcha lentement, pas encore prête pour un contact trop intime, mais lui tendit la main. C’était un début, ni un pardon total ni un refus. Une promesse de tentative, de changement. Ensemble, ils restèrent là, face au crépuscule qui teintait le ciel de nuances incertaines, un symbole d’un nouveau départ.