Elle ne pensait jamais revoir sa sœur, jusqu’à cet après-midi ordinaire où la sonnette retentit. Camille vivait avec cette blessure ouverte depuis vingt ans, conséquence d’une dispute amère qui avait déchiré leur relation. Elle avait appris à fonctionner sans Céline, acceptant que certaines cicatrices ne se referment jamais. Pourtant, en ouvrant la porte, son monde s’arrêta un instant. Céline était là, les yeux pleins d’une émotion que Camille n’avait pas vue depuis des décennies.
« Camille… » commença Céline, sa voix tremblante comme une feuille prête à se détacher d’une branche. Le silence pesant qui suivit sembla durer une éternité.
Camille restait figée sur le seuil, partagée entre la colère et un intense désir de réconciliation. Toutes les nuits sans sommeil, les anniversaires non partagés, et les souvenirs d’une enfance heureuse resurgirent d’un coup.
« Pourquoi maintenant ? » demanda-t-elle finalement, sa voix plus rauque qu’elle ne l’aurait souhaité.
Céline prit une profonde inspiration. « J’ai fait tant d’erreurs, mais j’étais trop fière pour revenir en arrière. Puis, quand maman est tombée malade, j’ai réalisé combien j’avais perdu. Je ne pouvais pas continuer sans au moins essayer… »
Les deux sœurs s’assirent dans le salon, la tension palpable. Le passé les entourait, comme un spectre qu’elles avaient toutes deux tenté de fuir.
« Cette dispute… Je ne voulais pas partir comme ça. Mais tu sais combien les choses étaient compliquées avec papa. C’était insupportable. » Les mots de Céline étaient chargés de regrets.
Camille soupira. « Je sais, mais tu m’as laissée derrière. J’ai eu besoin de toi. »
Leurs regards se croisèrent, et un bref instant, elles retrouvèrent cette complicité perdue. Céline chercha les mots juste, ceux qui guériraient enfin les vieilles blessures.
« Je suis désolée, Camille. Je suis ici pour te dire que j’aimerais essayer, si tu le veux bien. »
Camille sentit une partie de son cœur se radoucir. Mais pouvait-elle vraiment accorder ce pardon ? Elle avait tellement appris à se protéger de la douleur.
Leur conversation s’étira jusqu’à la nuit, chacune partageant des souvenirs, des rires, et des larmes. Elles savaient que le chemin serait long et incertain, mais au moins, elles l’entameraient ensemble.
Avant que Céline ne parte, elles s’étreignirent timidement. Ce n’était pas le pardon total, mais c’était un début, et pour l’instant, c’était suffisant pour les deux.
Lorsque la porte se referma doucement derrière Céline, Camille sentit la promesse d’un nouveau matin.