Elle n’avait jamais pensé qu’elle reverrait son frère, jusqu’à cet après-midi ordinaire où un coup de téléphone a tout bouleversé. Camille vivait avec un poids constant sur le cœur, un sentiment d’abandon et de questions sans réponse encaissées depuis des années. Vingt ans s’étaient écoulés depuis que son frère aîné, Julien, avait quitté la maison dans un geste de colère, une porte claquée si fort qu’elle en résonnait encore dans ses souvenirs.
Quand elle entendit sa voix à l’autre bout du fil, Camille se figea, le combiné brûlant dans sa main. Julien voulait la voir. Après toutes ces années, il voulait un face-à-face. La peur, la colère et une étrange lueur d’espoir mêlée se bousculèrent en elle tandis qu’elle acceptait, presque à contrecœur, cette rencontre qu’elle avait secrètement désirée.
Le lendemain, en fin de journée, ils se retrouvèrent dans un petit café du quartier. La pièce était baignée de la lumière dorée du crépuscule, une atmosphère presque irréelle. Julien se tenait là, un peu hésitant, le même qu’autrefois mais marqué par le temps, ses yeux trahissant une nervosité palpable.
“Salut, Camille,” dit-il doucement, comme si chaque mot était un pas prudent sur une glace fragile.
“Salut, Julien,” répondit-elle, son cœur battant à tout rompre.
Ils s’assirent en silence, un océan de non-dits entre eux. Camille tenta de démêler ses émotions, cherchant les mots justes, mais c’est Julien qui prit les devants. “Je suis désolé, Camille,” lâcha-t-il brusquement, ses yeux s’embuant. “Je sais que j’ai tout gâché ce jour-là, en partant si brusquement. J’étais jeune et idiot, et… j’avais peur de revenir.”
Camille ferma les yeux un instant, les souvenirs de cette journée surgissant à la surface. Elle revoyait la colère de Julien contre leurs parents, ses éclats de voix, et le sentiment d’impuissance qui l’avait alors submergée.
“Tu m’as manqué,” finit-elle par avouer, la gorge serrée. “Mais je ne suis pas sûre de pouvoir oublier aussi facilement. Tout ça m’a tellement marqué.”
Julien hocha la tête, un sourire triste sur les lèvres. “Je ne peux pas changer le passé, je le sais. Mais je veux essayer de réparer ce que je peux, si tu es prête à me laisser une chance.”
Un silence suivit, lourd de promesses et de regrets mêlés. Camille observa son frère, cherchant à déceler la sincérité dans ses yeux. Peut-être que tout n’était pas perdu. Peut-être que l’espoir pouvait renaître là où elle n’avait vu que des ruines.
Leur conversation se poursuivit, lentement, maladroitement parfois, mais avec une honnêteté nouvelle. La route vers un pardon complet serait longue, ils le savaient tous les deux, mais les premiers pas avaient été faits.
Alors qu’ils quittaient le café, une légère brise soufflant sur leurs visages, Camille se surprit à sourire. “On pourrait se revoir,” proposa-t-elle, laissant entrevoir une lumière d’espoir.
Julien acquiesça, reconnaissant. “Je suis là maintenant, et je ne partirai plus,” affirma-t-il avec une détermination nouvelle.
Ils s’éloignèrent, côte à côte, chacun avec ses pensées, prêts à affronter ensemble le passé et à reconstruire ce qui avait été brisé.