Elle ne pensait jamais revoir son père, jusqu’à cet après-midi ordinaire où elle ouvrit la porte et le trouva là, debout, les mains tremblantes. Marie avait vécu vingt ans avec des questions sans réponse, des blessures jamais guéries depuis le jour où son père était parti sans un mot. Leur dernière conversation résonnait toujours dans sa tête, des mots tranchants et des portes claquées.
La vue de cet homme, vieilli par le temps mais reconnaissable, fit jaillir une vague d’émotions contradictoires en elle. Marie resta figée, incapable de prononcer un mot. « Salut, ma fille », dit-il avec une voix brisée par l’émotion et les années.
Les souvenirs l’assaillirent – les soirées sans lui, la solitude des anniversaires, et cette sensation d’abandon qu’elle avait essayé de ravaler. “Qu’est-ce que tu fais ici ?”, demanda-t-elle enfin, la voix empreinte de défiance. Il baissa les yeux. “Je sais que j’ai commis des erreurs. J’ai… j’ai besoin de te parler, si tu veux bien.”
La tension était presque palpable tandis qu’ils s’asseyaient dans le salon, des années de questions se pressant à ses lèvres, chacune se bousculant pour sortir la première. “Pourquoi maintenant ? Après tout ce temps ?” elle finit par demander.
“Parce que je ne pouvais plus vivre avec ce vide, ce regret”, répondit-il, l’émotion perçant à travers chaque mot. “Je sais que je te demande beaucoup, mais j’aimerais avoir une chance d’expliquer… de m’excuser.”
Marie se tendit, son cœur oscillant entre colère et un désir d’entendre ce qu’elle avait rêvé d’entendre pendant si longtemps. “Explique-toi alors”, dit-elle sèchement, incapable d’adoucir le ton de sa voix.
Il parla des années de lutte avec ses propres démons, de ses erreurs, des maladresses qui l’avaient éloigné de sa famille. “Je ne cherche pas d’excuses”, ajouta-t-il. “Je veux juste que tu comprennes que je t’ai aimée, même si j’ai été absent.”
Le silence s’installa entre eux, seulement brisé par le tic-tac de l’horloge. Marie se leva, la lourdeur de ses émotions quasi insupportable. “Écoute, je ne sais pas si je pourrai te pardonner, pas comme ça et pas maintenant”, dit-elle en regardant son père dans les yeux. “Mais je suis prête à essayer de comprendre.”
Il hocha la tête, l’espoir dans ses yeux éteint par la compréhension de la gravité de ses erreurs. “C’est tout ce que je demande, Marie. Merci.”
Ils se dirigèrent vers la porte, une distance invisible mais palpable entre eux, mais aussi une lueur d’espoir. “Peut-être qu’on pourrait se revoir, prendre un café ?” proposa-t-il timidement.
Marie hésita un instant avant de sourire faiblement. “Peut-être”, répondit-elle. Et sur ce mot, le monde sembla s’ouvrir à des possibilités qu’elle n’aurait jamais cru possibles.
Le père et la fille se séparèrent sans promesse, mais avec quelque chose de nouveau : une chance de guérison.