Camille regardait fixement le plafond, les ombres des branches dansant à travers la fenêtre. Depuis quelque temps, elle ne reconnaissait plus Samuel. Cela avait commencé par de simples absences, des instants où ses réponses semblaient venir d’un autre monde. Un voile s’était lentement tissé entre eux, et chaque jour, il semblait s’épaissir.
Souvenirs d’un rire partagé traversèrent son esprit, mais il lui sembla maintenant lointain, presque étranger. Les week-ends qu’ils passaient ensemble, autrefois remplis de rires et de discussions interminables, se muèrent en silences lourds. Samuel prétendait être fatigué, mais Camille sentait que quelque chose d’autre rongeait son esprit.
Lui, si bavard, devenait avare de mots. Ses yeux, qu’elle connaissait par cœur, avaient pris une teinte d’ombre qu’elle ne parvenait pas à percer. Elle se remémora une soirée, assis l’un en face de l’autre, où Samuel avait à peine touché son repas, le regard fixé sur un point imaginaire. Lorsqu’elle avait cherché à savoir ce qui n’allait pas, il avait simplement haussé les épaules, murmurant que tout allait bien.
Mais elle savait. Chaque regard fuyant, chaque sourire forcé était pour elle un indice supplémentaire que quelque chose clochait. Un soir, alors qu’il était sous la douche, Camille fouilla discrètement dans ses affaires, espérant y trouver une réponse, une clé. Elle découvrit un petit carnet noir, usé, caché sous une pile de vêtements.
Les mains tremblantes, elle l’ouvrit. Les pages étaient remplies de croquis soigneusement dessinés, tous représentant le même visage. Ce n’était pas le sien. Le cœur de Camille se serra, mais elle refusa de tirer des conclusions hâtives.
Avec le temps, elle devint une spectatrice silencieuse des gestes de Samuel, chaque mouvement analysé à la recherche d’une vérité cachée. Il devenait de plus en plus absent, prétextant un travail accaparant ou des réunions tardives. Une fois, alors qu’il était censé être au bureau, elle l’aperçut au coin de la rue, le visage grave, marchant avec détermination.
Le doute la rongeait. Était-elle en train de perdre l’esprit ? Était-ce simplement une amitié qu’il lui cachait, ou pire encore ? Une soirée, la tension entre eux atteignit son paroxysme. Camille, rassemblant tout son courage, décida de confronter Samuel.
« Il faut que l’on parle », déclara-t-elle, sa voix ferme malgré les larmes qui menaçaient de perler. Samuel se tourna vers elle, le visage fermé. « Que veux-tu savoir ? » demanda-t-il, son ton glacial.
Elle lui montra le carnet, espérant une explication simple. Il le prit, feuilleta lentement les pages, avant de le refermer avec un soupir. « C’était… » commença-t-il, cherchant ses mots. « C’était une partie de moi que je n’ai jamais su comment partager. »
Camille sentit la tension se dissoudre en une vague de tristesse. Elle comprit alors que le visage dans le carnet, ce n’était pas une rivale, mais une autre facette de Samuel, une facette qu’il n’avait jamais osé montrer, même à lui-même. Il s’agissait d’un être intérieur, une lutte quotidienne pour s’accepter.
Leur conversation, bien que douloureuse, fut libératrice. Samuel parlait enfin, des mots qu’il avait gardés enfermés pendant trop longtemps déversant leurs vérités. Il expliqua que les dessins étaient un exutoire à ses angoisses, une manière de faire face à une identité qu’il avait refoulée depuis toujours.
Bien qu’elle se sentît trahie par tant de secrets, Camille embrassa ce nouvel aspect de Samuel, réalisant que leur amour devait évoluer pour survivre. Elle ne savait pas encore comment, mais elle était prête à essayer.
Les mois suivants furent consacrés à bâtir un nouveau dialogue, un espace où chacun pourrait être lui-même sans peur. Cela prendrait du temps, mais ils étaient prêts, ensemble, à redessiner les contours de leur relation.